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"Le paysage qui encadre le mausolée est gracieux et triste à la fois: quelques arbres au feuillage sombre l'abritent, et le bruissement de leur cimes se mêle au grondement des eaux du Nam Kan qui coule à leur pieds. En face s'élève un mur de roches noirâtres qui forme l'autre rive du torrent: nulle habitation, nulle trace hu- maine aux alentours de la dernière demeure de ce Fran- çais aventureux, qui a préféré l'agitation des voyages et l'étude directe de la nature, au calme du foyer et à la science des livres. Seule parfois une pirogue légère passera devant ce lieu de repos, et le batelier laotien regardera avec respect, peut-être avec effroi, ce souvenir à la fois triste et touchant du passage d'étrangers dans son pays.
"Nous nous étions rendus au lieu de la sépulture en suivant à pied les bords du Nam Kan; nous revînmes en barque à la fin du jour, en nous laissant aller au fil du courant. A chaque détour de la rivière, nous décou- vrions, sous les aspects les plus divers, le panorama animé de Luang Prabang, apparaissant et disparaissant tour à tour derrière le rideau mobile des arbres de la rive; de nombreux pêcheurs tendaient leurs filets au milieu des rochers et jusque dans les rapides que nos légères pirogues franchissaient comme des flèches; des troupes de baigneurs et de baigneuses folâtraient près des bancs de sable qui parfois élargissaient le lit de la rivière. Autour de nous, le soleil couchant faisait étin- celer les eaux de mille reflets de pourpre et d'or. Tout dans ce paysage, sans cesse renouvelé par la rapidité de notre locomotion, respirait une tranquillité et un bonheur apparents qui invitaient à l'oubli du monde bruyant et